Le bonhomme qui roulait sa bosse

Nordiques

Y’avait une petite neige dehors. Le souffle des chars faisait de la buée dans ma fenêtre. On ne voyait presque plus mon bonhomme de neige. J’avais tenté de le convaincre d’entrer, mais il refusait désormais de m’adresser la parole.

Il y a que lui et moi, on sortait d’une grosse dispute. Quelque chose de pas propre. C’est que le gouvernement Couillard avait proposé une refonte de plusieurs lois, entrevoyant même le dégel des frais de scolarité. Évidemment, ce sont des mots qui faisaient peur à mon bonhomme, et là-dessus, je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Là où on s’entendait moins, c’est sur la solution. Pour lui, Pierre-Karl Péladeau était la meilleure option au problème Libéral. C’est là que notre discussion a dégénérée. Il s’est mis à suer à grosses gouttes et moi je menaçais de lui râper la carotte. Finalement, il est allé bouder dehors, roulé en boules au pied de la porte.

Mon bonhomme faisait donc le piquet, s’effaçant sous le courroux du ciel, et j’avais l’impression que mon destin était lié au sien : fragile et éphémère. Je ne faisais rien, pourtant, pour m’extirper de la fatalité. J’étais bien assis devant ma télévision, le match allait commencer et les hymnes nationaux nous rappelaient qu’on n’avait pas de pays. Mais se le donner avec PKPQ, vraiment? En poussant la dernière note la chanteuse a levé le poing au ciel, pour en appeler à la colère d’Amir Khadir ou à un but de Malhotra. Dehors mon bonhomme frenchait la petite neige qui tombait, et moi je me demandais comment PKPQ avait fait pour passer de bourreau à héros. C’était un sacré ennuagement de l’ozone.

J’admets qu’avec ses discours somnifères, il ait pu en faire rêver plus d’un. Mais ça ne suffisait pas à tout expliquer. La réponse devait être ailleurs. Même le poing fermé qu’il tient à bout de bras, comme un trophée, ne pouvait expliquer la montée soudaine de sa popularité. Celle-là même qui a fait Jean-François s’enliser dans la défaite.

Je me posais la question en boucle, assis devant ma télévision et porté par le coup de patin de Pacioretty, pendant que les mots de Patrick Lalime s’enfargeaient dans la ligne bleue. Je pensais à la promesse de Péladeau de mettre le Canada en lockout, à son désir de transformer Legault en Playmobil et au fait que Couillard lui faisait pas un pli sur la poche. Je pensais à ça quand Pernell Karl l’a mis dedans et c’est là que j’ai compris.

La réponse était toute simple. La différence entre Stéphane Bédard, cône orange officiel du PQ, et PKPQ, c’est que le second a promis au Québec son équipe de hockey. Pensez-y. Denis Coderre a gagné la faveur populaire en ressuscitant David Desharnais à coup de Twitter, Ken Dryden est devenu ministre en s’appuyant sur son bâton de hockey et Régis Labeaume, ô Régis, a juré que toutes les pistes cyclables mèneraient au nouveau Colisée. PKPQ l’a compris : offre au peuple une odeur de Stanley et on te fera héros.

Canadien était en train de mettre un peu d’eau dans son Gatorade. Les publicités plus féministes que le pape résonnaient dans mon salon vide. Dodge : en veux-tu une grosse? Coors light : mets-y dans bouche. Et moi j’étais pantois, pantoite dirait l’autre. Tout seul dans mon salon, je me disais que les jours s’esquivent et que l’histoire se répète. Et j’ai pensé à mon bonhomme de neige qui jamais ne pourrait encourager les Nordiques de Québecor, et qui bientôt n’aurait même plus la chance d’encourager Canadien, avec les changements climatiques et la fonte de la calotte bleu-blanc-rouge.

Et je suis allé faire la paix. J’ai promis à mon bonhomme de réinventer le bouton à quatre trous pour lui faire un nouveau sourire. Eh! moi aussi je peux faire de la politique. Lui m’a juré qu’on aurait la tête de Couillard ce printemps. J’ai été un peu triste en songeant que mon bonhomme ne verrait jamais ce Québec meilleur qu’on se promettait, mais en attendant, c’était notre tour d’espérer.

Parce qu’un jour les rêves de nos bonhommes auront fondus et que nous n’aurons pas trop de leur sueur pour bâtir et rebâtir le Québec. Parce qu’il est temps de fourbir nos mots, armer notre patience et regagner la rue. Je nous invite. À nous réconcilier, nous aussi, et à se donner ce Québec qui n’est ni austère, ni amer, mais solidaire et prospère. Et en échange, je promets la Stanley à Canadien.

Cette année.

Ou comme disait René : la prochaine fois.

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